L'Expat'
Nomade
SIBERIE, BAÏKAL - été et automne 2014 - hiver 2015-16
Crédit photo : Sophie Chansard
Juillet 2014
C'est suite à un rituel chamanique fait avec mon enseignant en Mongolie que je reçois le message d'aller à 600km au nord d'Ulaan Baatar. Je prends donc une carte et j'arrive sur la rive est du lac Baïkal... Je décide donc de partir à l'aventure sans même savoir ce que je pars chercher là-bas... peut-être la trace de très lointains ancêtres, un futur enseignant chaman puisque, a priori, je dois continuer mon initiation avec un chaman bouriate.
J'achète donc mon billet de train pour Ulan Ude et c'est parti pour 25 heures de voyage. Après un peu de repos, je redécouvre la ville et me prélasse au soleil devant la fontaine musicale. Et le lendemain matin je prends une marchroutka pour Ust Barguzin et j'y arrive quelques heures plus tard. Je pose mes affaires dans la chambre de la jolie pension où je loge et je file LE voir. Je marche 20 bonnes minutes dans des chemins sablonneux, puis je l'aperçois, scintillant au loin dans le soleil couchant, aussitôt une immense émotion m'envahit et plus je m'approche, plus cette émotion est forte. Il me semble que j'attendais cette rencontre depuis si longtemps, sans même en avoir conscience. Je passerai 2 journées entières au bord du lac avant de reprendre ma route... et ma quête.
Je repars donc en marchroutka pour Barguzin où je me mets à la recherche d'un éventuel chaman... c'est en discutant avec plusieurs femmes bouriates dans différents magasins que j'obtiens quelques informations. Donc il y aurait des chamans plus au nord, soit à Kyrymkan, soit à Iarikto. Je suis mon intuition et décide d'aller à Iarikto... puisqu'il a, parait-il un datsan où trouver des chamans... même s'il me semble que j'y trouverai plus facilement des lamas bouddhistes... tout ça sans même savoir s'il y a un endroit où pouvoir loger. Heureusement le chauffeur de la marchroutka se doute que je suis une touriste et me dépose donc à 2 km du village, juste devant le datsan et la guest house rudimentaire qui lui fait face.
Aussitôt après réservé mon lit, je m'en vais découvrir le site du datsan et en chemin je demande si je peux consulter un chaman et une gentille bouriate me confirme ce que je craignais : ici il n'y a que des lamas. Mais nom d'un Bouddha, c'est un chaman que je veux voir, moi !
Je monte par le petit chemin qui serpente dans la forêt et je suis immédiatement saisie par l'atmosphère sacrée qui se dégage du lieu. L'énergie ici y est très forte et on sent toute la ferveur des pèlerins venus rendre hommage à la déesse Yangshema.
Le jour suivant, c'est dans l'unique magasin du village que j'apprends qu'un chaman réside bien à Iarikto, la vendeuse m'explique où est sa maison. Je m'y rends de suite, frappe au portail, mais personne ne répond, alors je vais faire un tour dans la forêt et retenterai ma chance plus tard. Je reviens, refrappe et là une femme m'ouvre, j'explique ce que je veux et elle me répond que son frère n'est pas là, qu'il est à la pêche et qu'elle ne sait pas quand il reviendra... peut-être demain, mais elle me donne son numéro de téléphone. Bref, c'est à quelques heures de mon départ de Iarikto que je peux enfin voir Boris, le chaman. Nous avons juste le temps de discuter une heure... sans même que j'y réfléchisse, je lui dis que je reviendrai dans quelques semaines. Et me voilà dans la marchroutka en route vers Ulan Ude en me demandant pourquoi j'ai bien pu dire un truc pareil !!!
Septembre 2014
Me voici donc de retour à Iarikto et je retrouve la femme et la sœur de Boris avec qui je passe une journée entière à traire les vaches, nourrir les cochons et surtout à bavarder autour d'un thé et de buuza. Cette fois encore, Boris n'est pas là, il est parti aider à éteindre un feu de steppe. L'été a été extrêmement sec et les feux sont nombreux autour du lac. Tant pis, j'irai me promener dans la montagne puis au datsan. Je vais à pied jusqu'au datsan, mais comme la saison estivale est finie, la guest house est fermée. Oups, je n'avais pas envisagé cette possibilité ! Alors au moment où j'allais demander à un lama où est-ce que je pourrais loger, je croise la femme responsable de l'auberge. Elle me reconnait. "Ah c'est vous, la Française", me dit-elle avec un petit sourire surpris. Du coup, elle m'ouvre la guest house, va me chercher un petit radiateur d'appoint car les nuits sont fraiches ici en septembre, l'hiver approche à grands pas et les premières neiges aussi.
Le lendemain matin tôt, mon téléphone sonne. Boris est rentré et je peux venir le voir immédiatement. Je saute de mon lit et dans mes boots et enfile les 2 km d'un bon pas. Je frappe à la porte, il m'ouvre. Je vois à son regard qu'il n'en revient pas que je sois vraiment revenue. Sa sœur nous accueille autour d'un thé et de beignets tout frais. Boris me dit qu'il veut bien m'aider du mieux qu'il pourra et me propose de faire une rituel pour le surlendemain. En attendant il me propose d'aller voir des sources sacrées avec son fils et, au passage, de rendre visite à ses amis. Nous passerons une merveilleuse journée ensemble.
Il est 7h15 quand je quitte la guest house car Boris m'a dit qu'il ferait le rituel à 8h. A peine 10 minutes que je marche et voilà qu'il se met à pleuvoir... selon les chamans c'est un signe positif pour le rituel.
Boris est un chaman forgeron, il travaille donc avec le feu. Je découvre, mais en tant que femme je n'ai pas le droit d'entrer dans la forge, j'observe donc sur le seuil de la porte. J'adore ces gestes simples et précis, son humilité aussi. Après le rituel nous rentrons chez lui et c'est autour d'un thé qu'il m'explique ce qu'il a vu, reçu comme messages des esprits. J'aime sa gentillesse et la profonde bonté qui émane de lui.
Je suis un peu surprise de tout c qu'il me dit... Mais aujourd'hui, 4 ans plus tard, tout s'est vérifié ! Et sans doute que d'autres choses vont encore se préciser et se confirmer...
Le lendemain c'est sous la neige que je reprends la route pour Ulan Ude puis Ulaan Baatar... sans avoir trouvé mon futur enseignant, mais riche d'un merveilleux enseignement, une vraie leçon de vie et d'humilité. Merci Boris, toi et ta famille, vous êtes pour toujours dans mon cœur.
Hiver 2015-2016
Depuis ma première visite, je rêvais de le voir gelé et je vais enfin pouvoir réaliser ce rêve. Mais prendre l'avion serait trop simple et trop rapide et gâcherait un peu le plaisir du voyage. Alors c'est en train que je choisis de me rendre jusqu'à Irkoutsk, dans ce train mythique qui lui aussi me fait fantasmer depuis mon enfance et la lecture de Michel Strogoff.
Et voilà, en cette nuit de décembre j'embarque à Moscou avec deux amies pour un trajet de 4 jours et 4 nuits... Je suis impatiente de retrouver la Sibérie, mais le rythme lent et monotone du train va m'obliger à la patience !
Cette fois c'est sur la rive ouest du lac que je vais séjourner, sur la fameuse île d'Olkhon. Nous traversons avec le bateau jusqu'à l'île car le lac n'est pas encore totalement gelé. Les températures chutant, je le verrai geler progressivement tout au long de ces trois semaines. Mais surtout je l'entendrai chanter, lancer ses sons incroyables et incomparables. Décidément grand-père Baïkal ne cesse de me surprendre ! Et j'en suis amoureuse !