29.08.2023- Bip – une notification sur mon smartphone et ce SMS que j’attends depuis des jours arrive enfin. Ce SMS qui explose sur l’écran de mon portable et brise ma joie, coupe mon élan vital et m’ordonne de quitter le pays dans les dix jours.
Ce maudit SMS et ces quelques mots ruinent tous mes projets : « Your residence permit application is denied. » Après cinq merveilleuses années passées en Turquie, voilà que les services d’immigration refusent de prolonger ma résidence. Je suis anéantie. Mon cœur saigne. Mon âme pleure. J’ai désormais un peu plus d’une semaine pour quitter le territoire turc.
Partir de Turquie… mais pour aller où ? Après toutes ces années d’expatriation allant de pays en pays, j’avais trouvé ici une terre où enfin je me sentais chez moi. Et ce SMS, là, que je relis en boucle et auquel je ne peux encore croire, m’arrache violemment à ce pays qui m’est si cher.
En cette fin de mois d’août, je suis en vacances dans la région de Kars et je rentre dans quelques jours à Ankara. Comment puis-je encore savourer mon séjour sereinement ? Le coup est dur à encaisser. Alors je me promène sur les rives du lac Çıldır pour tenter de calmer cette tempête qui bouillonne en moi et cette tristesse sans fond qui m'engloutit.
J’ai emménagé dans un nouvel appartement il y a quelques semaines, j’ai un nouveau bail d’un an, comment donc puis-je partir en moins de dix jours désormais ?
Juste en face de moi, un pélican vient de se poser délicatement sur la surface de l’eau, je l’observe et d’un coup c’est une évidence : je reste en Turquie jusqu’à la fin de mon bail. Je me donne un sursis de 9 mois.
Voilà une nouvelle expérience qui s’offre sur ma route : vivre une vie de « sans-papier », un séjour illégal où, à tout moment, je peux être expulsée. Il me faudra désormais vivre avec cette menace et surtout apprendre à être discrète et ne plus quitter Ankara.
Rentrée chez moi, j'organise donc ma vie à Ankara et je découvre de nouveaux quartiers, des petits parcs charmants, mais surtout je continue à profiter des activités culturelles qu'offre la capitale.
Par ailleurs, je participe à des ateliers de percussions et je commence à apprendre à jouer du Daf, un tambour traditionnel iranien. Alors les semaines passent entre travail et musique, mais cependant c'est inéluctable le mois de mai se rapproche et je dois quitter la Turquie.
Par dépit, mais surtout par proximité géographique j'ai choisi la Bulgarie comme prochain pays de résidence. Comme je ne peux pas sortir de Turquie, je dois tout organiser à distance. Tout semble bien aller... jusqu'à la dernière semaine avant le départ où l'agent immobilier m'annonce que, bien que j'ai signé le bail, le propriétaire retire son offre. En urgence, je suis obligée de me rabattre sur un autre appartement au look plutôt soviétique ! Heureusement que j'ai vécu à Prague il y a 30 ans, car je sais à quoi m'attendre. Par chance, l'agente immobilière ainsi que la propriétaire sont adorables.
Début mai 2023 - Aéroport d'Istanbul, bureau d'immigration, comme une enfant qui sait qu'elle a fait une bêtise, je vais payer mon amende pour dépassement de la durée légale de séjour et j'attends. Et puis le verdict tombe : en plus des 300€ j'ai une interdiction d'entrée sur territoire turc d'un an. Ça va être long, très long ces 12 mois !
Novembre 2024 - Bulgarie. J'ai choisi une petite ville sur la côte de la Mer Noire afin de profiter de la douceur du climat. Je vis désormais ici depuis six mois, mais je n'ai pas encore déballé tous mes cartons, je me sens comme en stand by et n'ai pas vraiment envie de m'installer dans ce pays. D'ailleurs pour la première fois de ma vie, je ne fais aucun effort pour apprendre pas la langue du pays, car mon regard, mon cœur et mon âme tout entière sont tournés vers la Turquie.
Je ne prends pas le temps non plus d'explorer le pays et fonce tête baissée dans le travail ne m'offrant que rarement des jours de repos. Un bref séjour en Azerbaïdjan fin septembre vient nourrir mon âme de ce côté oriental qui me manque.
Je ne sais pas encore ce qui m'attend au bout de ces 12 mois, mais ce dont je suis sûre c'est que dès le premier jour où je pourrai retourner en Turquie, j'y serai... et peu importe si c'est pour des vacances ou pour revenir y vivre ! L'Anatolie m'appelle et fait vibrer chacune de mes cellules, alors je suivrai cet appel... cet élan de mon âme !
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